Photos : Ricardo Fernandes

Tribune

Vitamine A : DESIGN + ART = RON ARAD, par Ricardo Fernandes

L’une des fonctions de l’Art est de devenir un instrument permettant de transformer l’imaginaire en élément visuel, sonore et esthétique. Cette définition se situe dans le temps chronologique, expliquant de manière simple et claire, les diverses phases par lesquelles la création artistique est passée, et qui tel un miroir nous accompagne jusqu’à nos jours, ainsi que les modifications socio-politiques et le cheminement de la vie humaine sur la terre.

Au IV siècle avant Jésus Christ, Aristote défendait déjà la thèse selon laquelle l’Art, allant de la poésie aux Arts plastiques, imitait la nature. Des siècles plus tard, cette thèse a été contestée par certains penseurs et, à la fin du XIXe siècle, elle a été redéfinie de manière véhémente par Oscar Wilde, qui prétend,  dans son essai de 1889 – The Decay of Lying (La Décennie du mensonge), que “la vie imite l’Art bien plus que l’Art n’imite la vie”, nous projetant ainsi dans un cercle vicieux de questionnements, au sein duquel nous demeurons encore actuellement, en pleine période de l’Art Contemporain, à l’ère de la totale confusion de ses définitions, l’ère de la technologie.

L’une des origines de cette interminable discussion nous laisse entrevoir le design comme une technique de création – caractéristique de la révolution industrielle qui a vu le jour en Europe à la fin du XVIIIe siècle – conquérant son propre espace, au fil du temps. Actuellement, à l’ère de l’internet,  avec l’avènement de la haute technologie et la demande constante d’un processus de création, non seulement axé sur le fonctionnel, mais aussi étroitement lié à l’esthétique, le design reprend sa place et rétablit son dialogue avec l’Art, qu’il utilise comme inspiration dans son processus de création, prouvant ainsi que, depuis le début de l‘Histoire de l’Humanité, il n’a jamais été autre chose qu’une simple ramification de l’Art et s’abreuve à la même source que ce dernier.

Né à Tel Aviv, en 1951, Ron Arad a étudié à l’Académie des Arts de Jérusalem. Il vit et travaille à Londres depuis 1973. Pour lui, qui est passionné par la diversité des matériaux et donne toujours priorité à la technologie, chaque objet a ses propres caractéristiques, sa matière et sa fonction bien spécifique… Ni designer, ni architecte, ni artiste plastique, Ron Arad n’accepte aucune étiquette, il ne veut être soumis à aucune règle ni se voir imposé aucun matériau ou discipline afin de pouvoir faire librement tout ce que bon lui semble… qu’il s’agisse d’architecture ou de design basé sur un processus de création artistique.

Amoureux de la couleur naturelle de chaque matière, il se passe de peinture et de revêtement et cherche dans chaque matériau sa relation avec ses propres couleurs et ses propres textures. Lignes courbes qui supportent du poids, modules successifs qui se transforment en dessins et courbes sensuelles, sans jamais perdre leur fonction d’objet.

Ron Arad est un créateur de pièces design de grande ampleur, comme les étagères de la bibliothèque Bookworm, créées en 1993, les chaises Fantastic Plastic Elastic (FPE), créées en 1997, la chaise Tom Vac de 1999, la fameuse collection Victoria and Little Albert de 2002, la Ripple Chair créée en 2005, le lampadaire Pizzakobra idéalisé en 2007 et beaucoup d’autres que nous pouvons dénicher en parcourant le Marché aux Puces de Saint Ouen, à la recherche des pièces de design artistique les plus précieuses pour nos collections particulières.

J’ai toujours été intrigué par la vision industrielle audacieuse et l’esthétique pop-street, de Ron Arad, par cet artiste qui a toujours un œil sur la production de qualité et l’autre sur l’art contemporain, sur les mouvements d’expression populaire et sur la possibilité de créer un dialogue d’envergure dans lequel il n’existe ni le commencement ni la fin de l’histoire.

Ricardo Fernandes, 2019
The Association of Art Museum Curators (AAMC), New York, États Unis
Association Internationale des Critiques d’Art (AICA), Paris, France
Association for Art History (AAH), Londres, Royaume-Uni