Sans titre 04, Marcelo Solá, 2017
Technique mixte sur papier, 56 cm x 77 cm (22 in x 30.3 in)

Tribune

Vitamine A : Technique...sur papier, par Ricardo Fernandes

L’homme des cavernes, notre premier ancêtre, utilisait les murs pour y peindre des figures et des symboles qui servent encore de nos jours à l’étude de l’évolution humaine et de notre histoire. Ce sont des dessins qui avaient sans doute des caractéristiques décoratives mais cependant qui retracent  les coutumes, les moyens de communications, la présence de groupes déterminés dans certains lieux. Sous de nombreux aspects, ces dessins et ces peintures, qui ont perdurés sur les murs des cavernes, sont une démonstration de l’expression humaine et des particularités de chaque groupe. Perpétuée pendant des siècles, cette technique trouva graduellement de nouveaux supports, pour finalement être utilisée sur le papier, une matière qui prédomine actuellement et est devenue le principal support de l’expression humaine à travers l’écriture, le dessin et la photographie.

Le papier fut créé en Chine, au IIème siècle avant Jésus Christ, sous le règne de l’Empereur Wu, pour emballer et conserver des objets de luxe : des miroirs, des pièces décoratives délicates et des bijoux. Si nous nous penchons sur son histoire, nous noterons qu’à cette époque, les chinois emballaient leurs objets dans du papier de riz et ils découvrirent plus tard que le papier avait aussi d’autres utilités. Initialement la production de papier à l’échèle artisanale était réservée à la noblesse. A la même époque, les chinois commencèrent à clouer du papier de riz sur les cloisons, les nobles élevaient des murs dans leurs demeures pour séparer les pièces et créer de nouvelles ambiances. Le papier utilisé était alors fabriqué uniquement avec du riz, il conservait sa couleur naturelle et ne comportait aucun détail décoratif.  Postérieurement, ce même papier commença à être produit avec un nouveau mélange de parchemin végétal qui lui donna une plus grande résistance et plus d’élasticité, augmentant ainsi son éventail d’utilisations. Le parchemin végétal apporta alors au papier de riz une plus grande adhérence à l’encre et à la peinture. Le papier s’enrichit alors en couleurs et en motifs, toujours peints par des artisans.

Au fil du temps et suite à une révolution dans la production du papier en Chine, furent créés des tampons en bois qui lorsqu’ils étaient imbibés d’encre naturelle imprimaient divers motifs sur le papier.

Les bandes de papier issues de ce procédé d’impression étaient accrochées au mur, substituant les originales. D’ailleurs considérées comme des pièces  de décoration de grand luxe, elles étaient utilisées comme ornement des hôtels particuliers des mandarins et des riches commerçants.

Ce n’est qu’en l’an 604 après Jésus Christ que les  chinois, pionniers de la technologie du papier, acceptèrent de partager la formule de ce nouveau procédé avec un pays étranger et c’est cette année-là que cette nouvelle technique commença à se répandre en Corée.

Il fallut ensuite attendre 1120 après Jésus Christ pour voir enfin apparaitre le papier en Europe. Il s’implanta d’abord dans l’Espagne islamique où il était importé comme un produit de luxe pour décorer les palais et les demeures de familles royales et de la noblesse de l’époque, avant de s’étendre à diverses autres fonctions et d’être peu à peu utilisé comme support d’œuvres d’Art. En 1588 après Jésus Christ, l’Angleterre inaugura à Cambridge, sa première fabrique de papier en Europe et commença à produire une ligne de luxe. C’est en 1750 que la Manufacture Royale  imprima ses premiers papiers multicolores et, en 1783, elle employait déjà quatre cents artisans. Grâce à sa grande variété, le Chippendale, inspiré du style rococo français devint alors le papier le plus vendu et le plus recherché à Londres. En 1814, Konig inventa la première imprimante, une innovation qui améliora le processus de fabrication du papier.  La machine de Konig éparpillait avec précision les fibres de soie et de coton sur l’encre encore fraiche, permettant ainsi la transparence et la superposition de motifs en relief.  C’est ainsi que surgit le fameux flock. La reine Vitória fit tapisser les murs de Hampton Court avec du flock pour sa lune de miel avec le Prince Albert…

Bien sûr, à l’apogée de la mode des « chinoiseries » les motifs les plus chers et les plus recherchés étaient les motifs chinois, souvent liés à la nature, représentant des arrangements floraux artistiques, ou retraçant la vie à la campagne ou dans les grandes villes chinoises.  A l’époque, c’était d’ailleurs la Maison Royale de France qui, à travers ses décorateurs,  commandait le plus de papiers peints pour tapisser les murs de ses palais et de ses demeures sophistiquées, très souvent avec des motifs exclusifs. Louis XI commandait des anges sur fond bleu de Jean Bourdichon, Luis XV exigeait de Jean Pillement des papiers avec de fortes influences rococo et Luis XVI décida d’abandonner, une fois pour toutes, la mode des chinoiseries et de créer des motifs français, avec des thèmes bucoliques ou classiques, totalement européens. En 1770, fut inaugurée à Paris une fabrique de papiers peints et floqués  et en 1870, Juan Zuber inaugura dans la ville française de Rixheim une manufacture de papiers peints, qui fonctionna jusqu’en 1939, et où furent perfectionnées différentes techniques d’impression avec des colorants. C’est aussi la fabrique de Zuber qui lança le premier rouleau de papier peint, prêt à l’usage, de plus de quatre mètres de long.

Du IIème siècle avant Jésus Christ à l’époque historiquement dénommée contemporaine, le papier a conservé son hégémonie, dominant divers secteurs de l’expression artistique et de la culture. Maintenant le papier est primordial pour la divulgation de l’Art, de la littérature et de la photographie. Même actuellement, au XXIème siècle, à l’ère ou sont apparus tant de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies, de jeunes artistes, encore adeptes du papier comme support de base de leurs créations, refusent de tourner le dos à ce matériau et  ils inventent de nouveaux processus, en utilisant des techniques mixtes, des collages et de nombreuses innovations pour lui donner une nouvelle vie.

Pour le Street art, le dessin, la sculpture et la photographie, le papier reste un matériau incontournable qui peut encore être considéré comme l‘un des plus importants de notre ère et qui accompagne notre histoire sans date limite d’utilisation.

 

Ricardo Fernandes, 2019
The Association of Art Museum Curators (AAMC), New York, États Unis
Association Internationale des Critiques d’Art (AICA), Paris, France
Association for Art History (AAH), Londres, Royaume-Uni